En deux brillants discours prononcés tour à tour les 6 et 11 juillet derniers à l’Assemblée nationale, les deux députés socialistes Boris Vallaud et Olivier Faure ont posé les fondements d’un parlementarisme retrouvé
[Samedi 16 juillet 2022] Le mercredi 6 juillet 2022, lors de la première séance d’ouverture de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale, celle-là même où les députés nouvellement élus et la Première ministre nouvellement nommée font, en quelque sorte, connaissance, le président du groupe des élus socialistes et apparentés a fait un discours dont la haute qualité a retenu l’attention du socialiste, du militant et du citoyen républicain que je suis. Les médias et les réseaux sociaux auront surtout retenu de son intervention la cinglante tirade qu’il a adressée aux élus du Rassemblement national. En peu de mots, mais ô combien efficaces, il a rappelé de quelle anti-France cette lie partisane, rancunière et veule était l’héritière. En deux traits ajustés, tout fut dit et restera gravé pour la postérité dans les archives et les mémoires. Ne revenons donc pas là-dessus, car l’essentiel est ailleurs.
L’essentiel en effet est dans le rappel de ce qu’une remontée du parlementarisme — quand bien même il s’agirait d’un « parlementarisme de fait » imposé par le résultat des dernières élections — peut avoir de salutaire et constructif pour la société française tout entière. Depuis de trop longues années en effet, la tentation de l’hyperprésidence dans laquelle s’est vautré Nicolas Sarkozy, et dans laquelle s’est roulé à son tour Emmanuel Macron, a privé nos concitoyens de bien des débats qui auraient pu contribuer à maintenir un tant soit peu à flot leur intérêt pour la chose publique. Le Parlement doit être le lieu où les consensus et les lois se forgent dans la contradiction, le débat, la controverse, la difficulté parfois. Nous avons donc tout lieu de nous réjouir de ce que la « majorité présidentielle » soit ainsi affaiblie, car cet affaiblissement relatif ouvre la porte au dialogue et au débat parlementaire. « Le débat, ce n’est pas le chaos », a rappelé Olivier Faure à ceux qui préfèrent assourdir sous les accusations d’obstruction toutes voix discordantes 1. C’est l’essence même de la démocratie.
Car il faut le rappeler ici, le Parlement n’est pas le conseil d’administration du Président de la République, ni de son gouvernement. Il n’y a donc aucune raison d’accorder la moindre attention aux plaintes et lamentations qui se sont faites entendre ici ou là parce que le gouvernement en place ne dispose pas (ou plus) d’une écrasante majorité de godillots qui voteraient sans barguigner les projets de loi que le gouvernement lui soumet.
Lundi 11 juillet, dans le discours qu’il a prononcé à l’occasion de l’examen du texte de la motion de censure présentée par les élus de la Nupes, le député Olivier Faure a parfaitement décrit les ressorts d’une manœuvre qui n’avait pas pour but, comme l’ont inlassablement répété (bêtement ou mal intentionnellement ?) la quasi-totalité des médias mainstream, de « renverser le Gouvernement » mais, en l’absence de demande d’un vote de confiance de la Première ministre comme l’aurait exigée la tradition républicaine, de forcer le Parlement à exercer a minima son droit d’expression et son éventuel pouvoir censitaire.
Cette motion de défiance aura un grand mérite, celui de sortir du confusionnisme nourri par le Président de la République, qui cite volontiers Jaurès le lundi, de Gaulle le mercredi et même Maurras le dimanche. Il entretient l’idée qu’il serait à lui seul la gauche et la droite, interdisant toute forme d’alternative. Voici donc venu le temps de la clarification.
Olivier Faure à La Tribune
Admirable démonstration que celle d’Olivier Faure qui se réjouit à juste titre de ce que le Parlement, miroir de la Nation dans le respect de toutes ses composantes, ait enfin l’occasion de retrouver, grâce aux choix de nos concitoyens, la plénitude de sa fonction. Le texte de la motion l’exprime d’ailleurs sans aucune ambigüité: qui ne dit mot, consent. En d’autres termes, en l’absence d’un vote de confiance demandé par la Première ministre, et en l’absence de toute motion de censure déposée par l’opposition, le Gouvernement serait légitimement fondé à en déduire qu’il dispose, de fait et implicitement, de la confiance du Parlement. La motion de censure c’est le moyen d’imposer, en creux, au Gouvernement, ce vote de confiance qu’il a décidé, pour des raisons sur lesquelles on pourrait s’interroger, de ne pas solliciter.
Discours d’Olivier Faure, le lundi 11 janvier à la tribune de l’Assemblée nationale.
Ce qu’il faut retenir de cette double séquence, c’est que la parole socialiste a encore les moyens, par le truchement du débat parlementaire, de redevenir audible. Notre mission à nous, militants de terrain, est de faire bénéficier cette parole de l’ancrage local dont notre parti dispose encore, et qu’il a les moyens de renforcer par le biais du recrutement. C’est en revenant au bon vieux débat d’idées, en échangeant avec nos amis, nos voisins, nos collègues sur les modèles de société que nous voulons, non pas pour demain mais pour aujourd’hui, en réfléchissant collectivement à ce que veulent dire vraiment des mots comme « profit », « croissance », « égalité des chances », « égalité » tout court, « justice », « travail », « propriété », « terre » (la liste est infinie), que nous parviendrons à rallumer la flamme de notre démocratie malade, et à envisager un futur un peu plus rassurant que celui qui nous semble aujourd’hui promis.
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1- A ce propos, la lecture du compte-rendu des débats nous montre de manière assez amusante que la gauche n’a pas le monopole du chahut pendant les discours…