Une tribune signée par 150 élus et militants socialistes invite à des « refondations » en série. Sous les dehors d’une « troisième voie », ce texte, déconcertant car manifestement fait pour semer le trouble, en appelle à l’union en jouant de la désunion, reconnaît les vertus de la Nupes tout en prétendant la refonder, non sans l’avoir expurgée de ses éléments indésirables… Une acrobatie de très haut vol dont on guette l’atterrissage avec une gourmandise teintée d’inquiétude.
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[Dimanche 2 octobre 2022] Il y a sans doute bien des ambitions auxquelles on peut souscrire dans le texte proposé, ce week-end, par les « refondateurs » autoproclamés du socialisme français. Qui parmi nous ne se retrouverait pas dans un tel chapelet d’intentions, toutes plus séduisantes et plus nobles les unes que les autres ? Qui ne voudrait pas « d’une nouvelle abondance humaniste » ? Qui ne souhaite pas d’une économie « qui ne repose plus sur la mainmise de la finance » ?1 Qui ne penserait pas qu’il faut donner «priorité absolue » à l’éducation, à la santé, à l’enseignement supérieur et à la recherche ? Qui n’est pas convaincu que nous avons besoin d’une justice et d’une police « engagées contre toutes les discriminations, le racisme, l’antisémitisme, le sexisme et l’homophobie, et pour faire vivre la laïcité partout » ? Confortablement anesthésié par cet enrobage moelleux, le lecteur du dimanche court le risque d’avaler sans s’en rendre compte les couleuvres dissimulées dans la suite du texte. La dose est tellement chevaline qu’on peut même se demander si certains des premiers signataires n’ont pas apposé leur paraphe de bonne foi, mais en toute méconnaissance de cause…
Car enfin, la position défendue par les signataires de ce texte est extrêmement acrobatique. Il s’agit ni plus ni moins que de défaire la Nupes dont le centre de gravité serait la France insoumise pour recréer une union, avec les mêmes ou presque, dont le centre de gravité serait le Parti socialiste… Comment vous dire, chers amis qui voudraient que notre prochain congrès ne soit pas « une lutte d’écuries pour le pouvoir » tout en vous empressant d’en fabriquer une de plus ? D’abord, votre raisonnement s’appuie sur une affirmation hautement contestable, au point qu’on pourrait aisément en démontrer ici même le caractère grotesque : celle que le Parti socialiste, depuis qu’il a signé l’accord de la Nupes, serait pieds et poings liés, intégralement soumis aux caprices de Jean-Luc Mélenchon et des siens. Ensuite, il méconnait le fait qu’un centre de gravité, ça se déplace. Dès lors, à supposer qu’il soit à l’endroit où vos obsessions le placent, vous seriez mieux inspirés, pour le faire bouger, de venir peser aux côtés d’Olivier Faure plutôt que de saper le travail déjà accompli et qui, tous les observateurs l’ont noté, commence à porter ses fruits.
Que penser également de cet aveu formulé sous la plume, rappelons-le, de ceux qui l’ont farouchement combattue, s’y sont opposés par tous les moyens possibles, et continuent de la discréditer, que la Nupes, « voulue par une majorité de citoyens » a eu son utilité? La Nupes, c’est-à-dire l’union des forces de gauche, est donc utile, mais il faut en faire une autre, avec un centre de gravité différent? Les grands mouvements de bras et les envolées lyriques qui enrobent cette proposition en atténuent à peine le ridicule. Que dire enfin de cette manière d’en appeler à l’unité avec des trémolos dans la voix tout en enfonçant gaillardement le coin de la désunion?
Ce texte a toutes les apparences de ce qu’il prétend combattre. Les ingrédients sont réunis d’une manoeuvre parfaitement cynique, une sorte de test avant congrès au service de quelques ambitions personnelles qui, pour l’instant, se sont prudemment abstenues de signer. Si l’on s’en tient aux ambitions affichées dans ce texte, elles sont suffisamment vagues et consensuelles pour être tout à fait recevables sur n’importe quelle plateforme se prétendant socialiste. Cessons donc ces chamailleries puériles et poursuivons le travail, avec nos partenaires présents et à venir.
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1- Tiens, leur ennemi, c’est la finance… l’histoire nous a montré qu’il fallait se méfier de ce genre de proclamation fracassante.